Dossier " Ecologie / Terroir "
Préféré aux engins mécaniques classiques qui finissent par tasser les sols, menacer la longévité de la vigne et gommer l'identité des terroirs, le cheval de trait d'origine bourguignonne fait merveille à Pape Clément...
cru classé de Graves situé en plein coeur urbain de Pessac, commune girondine. Bien plus qu'une simple volonté de jouer la carte de la différence, d'exprimer la nostalgie d'une nature naguère à la mode mais disparue, l'équipe technique à Pape Clément est tombée sous le charme de la solution 100% écologique: les labours de vignes par cheval de trait.
Un retour à la tradition pour mieux être en phase avec les enjeux d'aujourd'hui.
Nettement inspiré par un retour crescendo du recours au cheval de trait, à partir de 1995, Pape Clément est donc le premier cru classé à franchir le pas dans le bordelais. Mis en place à titre expérimental depuis l'hiver 2006 (d'abord sur 30 hares, 1 hectare aujourd'hui) sur une vieille parcelle plantée en 1942, ce type de labour au charme écologique fou - d'un inédit déconcertant dans un cru classé bordelais - tient sa légitimité dans un retour à une vieille tradition bourguignonne. Une méthode culturale ayant déjà fait ses preuves; une culture liée à la viticulture historiquement non mécanisée. C'est une véritable école nourrie par l'enthousiasme de toute une Bourgogne acquise à la cause du cheval de trait auxerrois.
"Gourou" incontesté de cette pratique agricole, le célèbre éleveur de chevaux de trait, Abel Bizouard, était bien celui par qui ce projet bordelais pouvait voir le jour; si l'on considère à juste titre que cet homme - formateur au lycée vinicole de Beaune (Côte-d'Or) -, reste le seul vrai formateur actuel en France (pour ne pas dire dans le Monde) à former des attelages de ce type et du personnel compétent ne faisant qu'un avec le cheval. Car la chose n'est pas aisée: deux ans au minimum de formation homme-animal pour parvenir à un binôme efficace et en totale harmonie.
Concernant Pape Clément, c'est le jardinier maison, Gilles Balacey qui -, se découvrant une vraie passion pour cette race de cheval -, aura l'honneur désormais d'orchestrer Jamaïque: superbe jument de 800 kilos (rien que du muscle intelligent) héritée du célèbre climat et domaine Clos Vougeot où elle oeuvra trois années consécutives, avant de rejoindre son écurie pessacaise.
L'expression retrouvée du terroir et l'apologie de la différence de style à la fois.
Mais la tradition nostalgique ne suffisant pas pour fonder une démarche pleinement inscrite dans les enjeux actuels modernes - compétitivité, compétition, économie de marchés, concurrence mondiale de l'offre viticole...-, c'est bien le point technique, donc qualitatif du vin, qui est recherché dans cette attitude agricole quasi philosophique. C'est Patrice Hateau (Directeur technique de la propriété et des vignobles Bernard Magrez) qui, en concertation avec le charismatique Bernard Magrez, a été rapidement convaincu de la cohérence d'un tel projet. Le cheval de Trait est la réponse contre certaines dérives contemporaines liées à l'agriculture ultra-mécanisée. Si le choix s'est porté sur une vieille vigne de plus de 60 ans, c'est bien pour tenter de percer un certain mystère: celui de la cause de la dégénérescence de la vigne en général: une vigne ayant du mal à durer car soumise à de mauvais traitements. Ici, l'ennemi n'est plus vraiment le produit phytosanitaire mais le type de labours retenu. Les machines tassent les sols et finissent par étouffer la vie microbienne, empêcher l'aération du sol et sous-sol.
Au centre de la démarche.
L'enjeu est de taille: préserver le milieu risosphérique constitué des racines pour que celles-ci aillent en profondeur sans stagner en surface. Et l'outillage utilisé est d'une grande efficacité s'agissant de la suppression des racines en surfaces. Un niveau racinaire que l'on écartera sans regret pour éviter à la vigne comme au raisin, choc thermique, gros stress hydrique (blocage de maturité) ou autres entraves au bon développement, donc à la maturité du fruit et l'identité du vin.
Crédit:
Images: Philippe SIMON
Montage: Frédéric LOT
Interview: F.L.
Article: F.L.
bonjour,
je suis vigneron au Sud de la vallée du rhône, Domaine Scamandre. Nous utilisons un cheval depuis 3 ans dans 3 de nos parcelles. Notre prestataire est Jean Clopes, très connu pour ce genre de travail dans notre région. Nous sommes en train de réaliser une étude comparative Cheval/tracteur sur une même parcelle en utilisant les même produits. La première année les résultat étaient très légérement en faveur du cheval mais sans être significatif. Nous attendons avec impatientce les résultats de cette année. Nous avons un partenariat avec un laboratoire pour les analyses de sols et des plantes, et un éléve à l’école d’oeno de bordeaux va faire sa thèse sur les cariotypes des levures. Encore une fois, nous attendons toutes ces données avec impatience. Ceci dit, il est indéniable que notre sol a changé, il est réellement plus “soyeux”, et les vers de terres sont revenus!
Rédigé par : franck renouard | 23 avril 2009 à 19:18
Saluons ce retour au respect des vignes à Pape Clément.
Mais saluons plus encore le travail effectué à Pontet Canet dans ce domaine (et plus encore), qui n'en est plus au stade expérimental (si on considère que la viticulture n'est pas une nouvelle expérimentation chaque année) et qui investit massivement pour aller dans le bon sens depuis plusieurs année ! Gombaude-Guillot à Pomerol en bio depuis 2000 !
Beau reportage, mais dommage que les autres château bordelais qui sont déjà dans cette dynamique ne soient pas cités, car au-delà du cheval c'est toute la viticulture qui est repensée, et sur ce point Pape Clément n'est pas le premier dans le bordelais.
Plus ils seront nombreux plus ils seront suivis ! Bravo Mr Magrez.
Rédigé par : Olivier Sanchez | 25 juillet 2008 à 20:40